Famille ORAIN - DANARD

Une des plus grandes tombes du cimetière, 2 fois la taille de ses voisines.

Cette sépulture est celle de Julien François Marie ORAIN et son épouse Julienne Marie DANARD.

Julien est né le 8 mars 1859 à la Certenais en Carentoir. Son père Pierre Marie, 36 ans, est maçon. Sa mère Marie Joseph Audran a 29 ans. Il est le 3ème des 5 enfants du couple.

Julienne est elle aussi née à Carentoir 2 ans plus tôt le 29 juillet 1857 à la Grée Fichet. Ses parents Julien, 39 ans et sa mère Jeanne Marie Guihoret 36 ans y sont cultivateurs.

Ils se marient à Carentoir le 4 juillet 1885, Pierre a 26 ans et est maçon avec son père. Julienne, 28 ans, est domestique au Bot-Colin à Carentoir.

Julienne quitte sa place de domestique pour rejoindre son époux à la Grée-Fichet. C’est là que naît leur 1er enfant Joseph Marie le 18 avril 1886. Le maire Ernest de Careil signe l’acte 1203.

Deux années plus tard, la famille a déménagé à la Noé Pillet à La Chapelle-Gaceline. La petite Marie Joseph y voit le jour le 30 mars 1888. Elle ne vivra que 18 mois.

31 août 1891, c’est au tour de Marie Julienne de pointer le bout de son nez. Papa est toujours maçon et maman ménagère. Elle décède à seulement 4 ans le 29 janvier 1896.

5 mai 1894, naissance du 2 ème garçon Pierre Marie.

25 mai 1896, naissance de son frère Julien Marie François toujours à la Noë-Pilet.

En 1901, la famille est recensée à la Noé Pillet. Pierre est maçon chez un patron, Jean Houeix, tout comme son voisin François Mauvoisin.

Le 28 novembre 1901 Julienne accouche de jumeaux mort-nés. Elle n’aura pas d’autres enfants. 5 ans plus tard, au recensement de 1906, Pierre est toujours ouvrier maçon. Il travaille désormais chez H Thomas. Son fils aîné, Joseph, y est aussi ouvrier maçon.

Les 3 garçons sont présents en avril 1906. La déclaration de guerre en août 1914 va malheureusement sceller leur destin.

À 20 ans, Pierre Marie a choisi un autre métier que son père, il est menuisier. Il mesure 1.57 m, taille normale il y a un siècle, il a les cheveux châtains, les yeux gris et sait lire et écrire. Mais la guerre est déclarée.

Le 5 septembre 1914, un mois après le début de la guerre, il est mobilisé, il a 20 ans. De l’infanterie, il passe dans un bataillon de chasseurs. Un an plus tard, il est porté disparu à Auberive sur Suippes dans la Marne. Il est ré inhumé en 1920 au cimetière militaire Bois du Puits, tombe 2745. Son père reçoit un généreux secours de 150 francs.

La nécropole nationale du Bois du Puits à Auberive dans la Marne, là où il a été ré inhumé.

Son grand frère Joseph Marie part faire son service militaire à 21 ans en octobre 1907 pour 2 années. Il est blond aux yeux gris, mesure 1.61 m et sait lire, écrire et compter. Il est maçon. Il est rappelé par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914. Il arrive dès le 3 au 19 ème régiment d’infanterie de Brest. Le 15 juin 1916, il passe au 265 ème régiment. Il est porté disparu le 20 juillet 1916.

Le journal de marche du 265 ème en date du 20 juillet 1916 montre la bravoure des soldats qui attaquent par vagues l’ilot d’Estrées et sont décimés par les mitrailleuses allemandes.

Julien Marie François est cultivateur en 1915. Il mesure 1.53 m, 4 cm de moins que son frère. Il est roux aux yeux bleus et sait lire et écrire.

Ses frères Joseph et Pierre sont mobilisés depuis plus de 6 mois. Julien n’a pas encore 19 ans quand il doit partir les rejoindre dans l’horreur des tranchées le 8 avril 1915. Il rejoint le 70ème régiment d’infanterie. Apprend-il la mort de son frère aîné Pierre en septembre 1915 ? En avril 1916, il passe au 94 ème régiment d’infanterie. Son frère Joseph est tué en juillet 1916.

Lui aussi est tué à l’ennemi le 20 août 1917 à Chambrette dans le secteur de Douaumont. Voici un extrait du journal de marche du régiment en août 1917, nous voilà plongés en pleine attaque des lignes allemandes le 20 août 1917 à 4h40 du matin.

Julien est l’un des 37 soldats tués pour conquérir les tranchées allemandes lors de cette attaque du 20 août. Lors des attaques de ce mois d’août, le régiment aura eu 103 soldats tués, 342 blessés, et 40 disparus.

Cette photographie prise en septembre 1917 montre la désolation totale autour des tranchées. Il ne reste rien.

Le maire de La Chapelle doit, une troisième fois, venir annoncer aux parents la terrible nouvelle : le dernier des 3 garçons, le plus jeune, 21 ans seulement, a été tué, comme ses 2 ainés.

Julienne décède à 70 ans à son domicile de la Noë-Pilet le 9 septembre 1927. C’est un neveu qui vient déclarer le décès à la mairie.

Son époux Pierre lui survivra presque 6 ans. Il meurt à la Noë-Pilet le 12 avril 1933.

Les 3 frères Orain sont réunis sur le monument aux morts de La Chapelle-Gaceline

Cela fait 91 années que la tombe a reçu son dernier locataire. Ce couple ordinaire a eu la douleur de perdre 4 enfants soit à la naissance, soit très jeunes. La guerre a enlevé leurs 3 fils dans la fleur de l’âge, en 3 années.

Fallait-il sauver le soldat Orain ?

Comment résister à tant de malheur ?

Yvon Castel novembre 2024.

Sources : état civil et cimetière de La Chapelle-Gaceline, archives départementales du Morbihan, Mémoires des Hommes, Généanet.