La Lande de Graslia

1824 - Plan cadastrale - Détail des landes

La lande de Graslia, au fil du temps...

 

Le temps qui nous intéresse dans cette publication est celui de l'année 1849, plus exactement Le 31 décembre. Date à laquelle vient d'être signé chez Me Le Dault et Rouxel, notaires à La Gacilly, une acte de vente qui réunit quinze vendeurs et l'acheteur Auguste Jean marie de Foucher de Careil pour 15 hectares, 67 ares, 98 centiares de ce qui constitue “la lande de Graslia" pour la somme de 3861 francs.

 

Cette lande de Graslia nous intéressera également (mais dans une prochaine publication) car il s'y trouve des tumulus d'une nécropole néolithique (-3000 avant JC).

Une première étude en avait été faite par l'abbé Chérel dans les années 1930. 

 

“la Lande de Graslia“  Nous intéressera aussi pour situer le moulin à vent de la Forêt Neuve se trouvant sur le chemin qui mène de La Gacilly vers Saint-Jacob et qui traverse la lande de Graslia. Un rôle de continuation de 1753, présenté par Charles Huchet de La Bédoyère, comte de Rieux, y fait mention du moulin qui est affermé pour 480 livres.

Mais où si situe ce moulin ?

 

 

 

Vente de “La lande de Graslia“ le 31 décembre 1849

Lorsque l’on remonte en amont de cette vente de fin décembre 1849, on trouve des évènements liés à la période révolutionnaire et liés à la famille des RIEUX-ASSERAC.

Suite au débarquement dans la baie de Quiberon en juin 1795 des troupes de l’armée des immigrés du Général Sombreuil, Louis-Charles de Rieux-Asserac, lieutenant au régiment de Rohan, est fait prisonnier en défendant le fort de Penthièvre. Il est dirigé vers Auray et jugé par une commission militaire le 2 août 1795 et condamné à être exécuté. Fusillé le 26 août 1795, il réussit à s’échapper vers les marais où il est achevé.

 

Parallèlement, les biens des émigrés, ont fait l’objet d’une réquisition depuis 1790 et le comté de Rieux dont le domaine de la Forêt Neuve fait partie des réquisitions et devient “bien national.“ et le 11 ventôse an VI (1/03 1798), un certain Bouteville acquiert la maison et jardin de la Forêt neuve moyennant la somme de 5000 francs.

Le château avait déjà subit des dégradations et le chartrier avait été brûlé le 3 février 1790. Simultanément à l’incendie du château, une enquête s’ensuit et un procès verbal est établit à la requête de Alexis Joyaut de Couesnongle alors fermier général du comté de Rieux. L’enquête est diligentée par Joseph Marie Grinsart Lasalle, sénéchal du comté de Rieux en la juridiction de Peillac et dont on retrouvera un fils (Augustin) lié à la vente de la lande de Graslia. Ce même Joseph Marie Grinsart sera également maire de La Gacilly.

 

Sa sœur Jeanne-Louise Grinsart (° 1723) est l’épouse de jean-Marie Seguin (1712-1776), dont leur fils Charles Florentin Seguin (1764- 1808) sera un des personnages-clés de la Révolution à La Gacilly (il était commissaire du Directoire exécutif à Carentoir et à La Gacilly). Cette famille Grinsart-Lasalle est également liée à la famille Orinel dont Pascal Orinel (1774-1842) sera maire de La Gacilly et dont les enfants vendront leur quote-part des landes de Graslia.

Par ailleurs, un autre personnage Jean Cheval (1762-1826), notaire public était agent national de la Gacilly pour la République (1793) et avait acquis de Seguin la portion de un hectare 74 centiares. C’est son fils Louis Cheval qui la revendra en décembre 1849, peut-on lire dans l’acte de vente. Enfin, les familles Poligné, Homet, aubergistes (hôtel des Voyageurs et hôtel du Lion d’or), Hersart , Soulaine, Martin (garde des domaines privés du roi).

 

Grinsart, Seguin, Cheval, Orinel ont occupés des fonctions municipales : ils étaient au cœur de beaucoup de décisions, de décrets, d’arrêtés de comptes-rendus et relayaient localement à La Gacilly, les mesures prises par le district de la Roche-des-Trois. Vers 1790, le pouvoir local alors encore aux mains des sénéchaux des juridictions de l’ancien régime (Joseph Marie Grinsart, sénéchal du comté de Rieux, René Eon, sénéchal de Sixt-sur-Aff, Yves Saulnier, procureur du marquisat de la Bourdonnaye, Orinel, sénéchal du marquisat de la Bourdonnaye en 1769... et va progressivement passer aux nouveaux promus, représentant du pouvoir révolutionnaire : Jean Cheval, agent national puis maire en 1803 et en 1807, Jacques Godefroy Saulnier, président du comité de surveillance, homme de confiance du district de la Roche- des-Trois, Louis Clémenceau, Jacques Marie Le Roy, officier de santé, Pierre Rouxel adjoint, Louis Marie Clésio, secrétaire municipal...

Plus tard, en 1830, on retrouve ces mêmes patronymes dans le conseil municipal présidé par Mathurin Robert (maire), Etrillard, Orinel, Hersart, Saulnier, Poligné, Puissant, Soulaine, Cheval louis, Gautier, Bruc, Dubois... et ces mêmes font partie d’une sorte d’état-major républicain de la Garde Nationale, instituée en 1830. Leurs fonctions municipales de compétences civiles sont alors adaptées pour des fonctions militaires.

 

C’est dans ce contexte (en arrière-plan) que se déroulera fin décembre 1849, la vente de quinze hectares de landes situées dans la “Lande de Graslia“, dont l’acquéreur est Auguste Jean marie de Foucher de Careil. Ce dernier avait au préalable, en 1824, acheté le domaine de la Forêt Neuve. Il contribue par cette acquisition à reconstituer en partie et à agrandir un domaine morcelé et dispersé lors de sa vente en bien national (période entre 1795 et 1819).

Il avait également acquis (entre 1824 et 1854) auprès de Pierre Paterne Soulaine, marchand demeurant La Gacilly, la ferme des Taillis (parcelles n° de 73 à 86 sur la matrice cadastrale de Glénac). Ces quatorze parcelles joignent, au levant, les 15 hectares des “Landes de Graslia“.

 

 

Les landes de Graslia sont situées sur la commune de Glénac

à la limite de la commune de La Gacilly, au sud ouest du centre bourg de La Gacilly

Les anciens propriétaires du domaine de la Forêt Neuve avant 1849 (incluant les landes de Graslia)

La Vente des biens nationaux

aura lieu entre 1790 et 1815 et commencera d'abord par la vente des biens de l'église et à partir de 1793, par celle des biens des émigrés et des suspects (essentiellement nobles).

Environ 10 % du sol en France, change de propriétaire. Les 2/3 étant des biens échangés appartenant à l'église et l'autre 1/3 aux émigrés. Environ 500000 français ont participé à ces achats de biens nationaux. Les citadins, bourgeois, en ont été les principaux bénéficiaires mais aussi la paysannerie riche et moyenne. L'état n'a que modérément gagné du fait que le dévaluation des assignats employés pour ces achats effectués le plus souvent à crédit, a “rogné“ les bénéfices escomptés. Les ventes ont surtout liés les acquéreurs au sort de la Révolution. Les assignat seront échangés à un cours inférieur à leur valeur nominale, aggravant ainsi l'inflation. Les prix deviennent plus élevés lorsque les acheteurs veulent payer avec des assignats qui sont utilisés de plus en plus par les pauvres.

Les monnaies métalliques deviennent des valeurs refuges et seront cachées. Le assignats auront cours jusque début 1797 avec un retour à la monnaie métallique. Cette monnaie “papier“ laissera le souvenir de désordre et de corruption. Il faudra attendre jusque 1847 pour voir cette monnaie disparaître de la circulation. Les départements de l'ouest n'ont été que modérément touché et n'ont pas souffert si on les compare à ceux du nord ou du midi.

Après 1815, la Restauration ne pourra pas abolir ces transactions. Les plus pauvres des citoyens citadins et ruraux, ne profiteront pas de cette occasion.

Extrait de la matrice cadastrale de Glénac en 1824.  Les mesures sont encore en arpents, et perches.

Les 13 signatures des vendeurs et celle de : de Foucher de Careil ainsi que celles de Le Dault et Rouxel, notaires.

Le 31 décembre 1849

Vente par MM. Cheval, Poligné

et autres à Monsieur

de Foucher de Careil

par devant Me Rouxel et son collègue, notaire à La Gacilly, chef-lieu de canton, arrondissement de Vannes, département du Morbihan

furent présents

1° - Monsieur Louis Cheval, propriétaire et marchand de fer, demeurant en la ville de La Gacilly, rue Lafayette

2° - Monsieur Louis Poligné et dame vincente Mabon, son épouse qu’il autorise, propriétaire et maîtres d’hôtel, demeurant en la ville de La Gacilly, hötel des voyageurs.

3° - Monsieur jacques Poligné et mathurine Hersard, son épouse qu’il autorise, propriétaire aubergistes, demeurant en la ville de La Gacilly, hôtel du Lion d’or

4° - Monsieur jean Homet et julienne Poligné son épouse qu’il autorise, propriétaires et marchands de grain, demeurant en la ville de La Gacilly.

5° - Monsieur jacques henry Martin, propriétaire et garde du domaine privé du roi, demeurant en la ville de La Gacilly, rue Lafayette, agissant comme tuteur naturel et légal de Mr. henry Martin, son fils mineur, sans profession, demeurant avec lui et pour lequel il se porte fort.

6° - Monsieur joseph marie Poirrier, menuisier et anne marie Soulaine, son épouse qu’il autorise, demeurant ensemble en la ville de La Gacilly, rue d’Amboise.

7° - Monsieur jean Fleury et marie-louise Coyac, son épouse qu’il autorise, aubergistes, demeurant ensemble en la ville de La Gacilly, carrefour Tournemire.

8° - Monsieur jean-marie Boucher et marie-joseph Coyac, son épouse qu’il autorise, cultivateurs, demeurant ensemble en la ville de La Gacilly, rue St-Vincent.

Les trois derniers et leurs épouses agissant pour eux et se portant forts pour tous ayant droits.

9° - Monsieur constant armand marie anne Orinel, propriétaire et marchand de fer, demeurant en la ville de La Gacilly, rue St-Vincent.

10° - Mesdemoiselles sophie, désirée, victoire Orinel, marchandes de draps, demeurant ensemble en la ville

de La Gacilly place Ducrest.

Monsieur et mesdemoiselles Orinel, personnes agissant en leurs noms et se portant fort pour leurs frères messieurs Théodore alexandre Orinel, receveur des contributions indirectes à Guémené ; armand Orinel, receveur des contributions indirectes à Beaufort, Maine et Loire ; ange Orinel, percepteur des contributions directes, demeurant à Malestroit.

Tous lesquels comparsement par ces présentes vendu avec garantie de fait et de droit

à Monsieur Auguste jean marie de Foucher de Careil, propriétaire rentier, demeurant au château de la Forêt Neuve, commune de Glénac, canton de La Gacilly, présent et acceptant,

DÉSIGNATION

Une vaste quantité de terre en lande située sur les landes de Graslia, commune de La Gacilly et de Glénac, nommée “la Charité des Fours à bouca“ et “Friches à l’âne“ contenant en totalité quinze hectares, soixante dix sept ares, quatre vingt dix huit centiares, joignant du midi et du levant au chemin conduisant à Glénac, du nord à la route de St-Martin, du couchant à l’acquéreur.

Cette quantité de landes est au surplus vendu telle qu’elle se contient et comporte sans exception ni réserve avec la contenance sus indiquée à laquelle les parties déclarent se rapporter renonçant à s’inquiéter pour le plus ou le moins qui ............ au profit ou à la perte de l’acquéreur.

ÉTABLISSEMENT DE PROPRIÉTÉ

La famille Orinel est fondée dans la quantité de landes présentement vendue pour trois hectares quarante un ares quatre centiares pour les avoir recueillis dans la succession de ses pères et mère décédés depuis longtemps.

Monsieur Cheval est propriétaire d’un hactare, quinze ares, soixante quatorze centiares pour en avoir fait l’acquisition de la famille Seguin, il y a au moins douze ans, ainsi déclaré.

Les do.... Fleury, Poirrier, Boucher et le mineur Martin sont propriétaires de deux hectares soixante dis-sept ares, quatre vingt centiares pour en avoir hérité avec autres ayant droits dans la succession de pierr mathurin Soulaine, leur oncle et frère.

Dame vincent Mabon épouse de Monsieur louis Poligné est propriétaire de la même quantité de deux hectares soixante dix sept ares quatre vingt centiares pour la avoir recueillis dans la succession de  Dame françois Poligné, sa tante, décédés à La gacilly le vingt neuf octobre mil huit cent quarante sept, comme faisant partie du second lot qui lui est échu dans le partage de la dite sucession, apéré devant le dit Me Rouxel, en présence de témoin le vingt janvier mil huit cent quarante neuf.

Les époux louis Poligné, jacques Poligné et jean Homet sont propriétaires .............. à raison de chacun un tiers de la quantité de cinq hectares cinquante cinq ares soixante centiares ; savoir les dits Poligné et sœur de moitié pour l’avoir recueilli dans la succession de Joseph Poligné leur père et de l’autre moitié pour l’avoir acquise pendant leur mariage avec leurs sus dites épouses et époux de Caroline Houeix leur mère et ...... leus frères et sœur. suivant acte au rapport de Me Le Dault, notaire à La Gacilly, en date du six février mil huit cent quarante neuf.

PRIX

En outre ces conditions la présente vente a été consentie et acceptée moyennant la somme totale de trois mille huit cent soixante un francs ; savoir deux cent quatre vingt cinq francs pour la portion de lande appartenant à Monsieur louis Cheval ci.......... 285

six cent quatre vingt quatre francs pour la portion appartenant aux héritiers de pierre mathurin Soulaine ci.......684

Huit cent quarante francs pour la portion appartenant à la famille Orinel ci.........................................................;..........840

Quatre cent cinquante six francs pour la portion appartenant aux épous Homet ci .......................................................456

Quatre cent cinquante six francs pour la portion appartenant aux époux jacques Poligné ci.......................................456

Enfin onze cent quarante francs pour la partie appartenant à Mr Louis Poligné tant de son côté que du côté de son épouse comme il a été dit plus haut ci....................................................................................................................................................................................................1140

TOTAL.....................................................................................................................................................................................................3861 francs

Dont acte fait et passé à La Gacilly en l’étude l’an mil huit cent quarante neuf le trente un décembre.

Lecture faite, les dames Homet, Poirrier, Fleury, Boucher et jacques Poligné ont déclaré ne savoir signer, tous les autres comparants ont signé ces présentes avec les notaires.


Jean-Claude Michaud

Le Résumé de cet article est publié en avril 2023 dans la Gazette du Patrimoine

Synthèse et représentation graphique de la vente de “la lande de Graslia“ et des quote-part pour chacun des 15 vendeurs.